Projet de loi sur le lobbyisme : assujettir tous les OSBL est inutile et dangereux

Comme des centaines d’autres OSBL, le Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement (RNCREQ) est très préoccupé par les impacts qu’aurait l’entrée en vigueur du projet de loi 56 (PL56), Loi sur la transparence en matière de lobbyisme. Certes, il est pertinent de mieux encadrer les pratiques de lobbyisme dans un souci d’éthique et de transparence. Mais selon le RNCREQ, le projet de loi rate sa cible, ne répond pas aux objectifs qu’il poursuit et menace la participation citoyenne.

Le PL56 vise la mauvaise cible

Le projet de loi fait une confusion entre les OSBL qui poursuivent uniquement des buts non lucratifs et ceux qui poursuivent des buts commerciaux ou pécuniaires pour leurs membres. Même si les activités de communication et de représentation peuvent être semblables, la finalité ne l’est nullement. Cette différence est fondamentale.

De plus, en assimilant à des lobbyistes les OSBL et les personnes qui y travaillent ou y contribuent bénévolement, la loi laisserait croire :

  1. que la même surveillance doit être exercée, qu’on intervienne pour une collectivité ou qu’on le fasse pour une compagnie ou des intérêts commerciaux;
  2. que les forces sont égales et que les conditions sont les mêmes, tant pour des lobbyistes défendant des intérêts privés que pour des OSBL dont la mission vise l’intérêt collectif alors que ces derniers fonctionnent, le plus souvent, grâce au bénévolat et à la militance.

À vrai dire, on s’explique mal pourquoi la loi s’acharnerait sur des organismes qui peinent déjà à réaliser leur mission avec peu de moyens et qui n’ont jamais généralisé des pratiques douteuses.

Le PL56 n’est pas le bon outil pour la transparence

Le PL56 semble plutôt aller à contrario des objectifs de transparence qu’il poursuit.

Les OSBL qui ont pour mission l’intérêt collectif, comme le RNCREQ, sont déjà transparents ! Ils rendent déjà leurs communications publiques. Pour travailler à l’amélioration des conditions de vie, pour lutter contre l’exclusion sociale, pour éviter la destruction d’un milieu humide, pour améliorer les services aux aînés… ils ont besoin que leurs interventions soient connues publiquement, surtout celles auprès des décideurs.  De plus, quand ils reçoivent des fonds public, ils sont soumis à une reddition de compte rigoureuse.

Le Registre des lobbyistes sera inondé d’informations, souvent déjà publiques, tout en ne diffusant rien de plus sur les lobbyistes conseils ou les lobbyistes d’entreprises qui défendent des intérêts commerciaux. En somme, cela va « noyer le poisson ».

De plus, le PL56 prévoit des exclusions qui semblent contraires à l’objectif de transparence, par exemple celles qui concernent les directions des établissements du réseau de la santé et les commissions scolaires et établissements d’enseignement.

Le PL56 menace l’existence de nos organismes et la participation citoyenne

Le RNCREQ et ses membres, à l’instar de la plupart des OSBL, fonctionnent en grand partie grâce à des bénévoles, en particulier les personnes qui siègent à nos conseils d’administration. Ces bénévoles ont souvent pour tâche d’effectuer des représentations pour la bonne marche de leur organisme ou pour réaliser sa mission. Or, la complexité administrative, l’obligation intimidante de s’inscrire au registre en tant que lobbyiste, les risques de s’exposer à des amendes ou des sanctions en cas d’inscription incomplète dissuaderont de nombreuses personnes de poursuivre leur engagement ou de s’engager.

Cela aurait aussi pour effet de décourager les communications avec des titulaires de charge publique (TCP), par crainte d’enfreindre la loi ou en raison des exigences démesurées qu’elles nécessiteront. Pour de nombreux organismes, ceci nuira énormément à la réalisation de leur mission. De plus, les nouvelles obligations administratives draineront des ressources précieuses et nuiront également à la mission de nos organismes, qui disposent déjà de peu de ressources financières et humaines. Le temps qui serait consacré aux règles à suivre ne servirait plus à la réalisation de notre mission.

En somme, l’assujettissement de tous les OSBL à la Loi sur la transparence en matière de lobbyisme handicaperait la capacité d’action des OSBL, réduirait la participation civique et citoyenne et constituerait un frein à la démocratie et à un dialogue nécessaire et constructif entre la population et ses dirigeants. C’est toute la société qui serait perdante. Le RNCREQ recommande donc que le projet de loi 56 soit rejeté et que le nouveau projet de loi qui le remplacera s’applique uniquement aux activités de lobbyisme ayant une visée lucrative ou commerciale.

Consultez le mémoire du RNCREQ présenté au Commissaire au lobbyisme.

Consultez tous les mémoires reçus par le Commissaire au lobbyisme.

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